EAN13
9791090103856
ISBN
979-10-90103-85-6
Éditeur
Dodo vole
Date de publication
Nombre de pages
146
Dimensions
22 x 11 x 1 cm
Poids
200 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
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#ZaKoa

Dodo vole

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Peu de livres se lisent d’une traite. Celui d’Hary Rabary a été de ceux-là pour moi. Impossible de se détacher de ce récit tant ce témoignage vous touche en plein cœur. #Zakoa (traduction en malagasy de #metoo) est une lettre écrite par Rota à Rija. Rija est un homme qu’elle a aimé, avec qui elle a partagé des moments très doux, et très sensuels. Des années ont passé. Il fait nuit, Rota se donne la durée de cette nuit pour rédiger sa lettre. Elle précise : « Je vais t’écrire cette lettre comme un plaidoyer. Je t’écris ce soir pour plaider ma cause. Je t’écris pour me défaire de tout ce dont tu m’accuses ».
Rota écrit donc pour plaider sa cause. Bien sûr la phrase se situe au début du roman, le récit n’a pas eu le temps de se dérouler, le lecteur n’a pas eu le temps de faire connaissance avec Rota mais, d’emblée la phrase intrigue parce qu’elle place la jeune femme « sur le banc des accusés ». Que ce soit elle qui doive plaider sa propre cause, qu’elle s’y prête des années sans doute après les faits, qu’elle éprouve le besoin de se débarrasser de ce dont elle semble avoir été victime, rend sa démarche troublante.

Hary Rabary fait en effet, le choix, osé, très osé, voire provocateur, de placer sa locutrice dans la position de celle qui doit défendre, qui doit justifier son propre droit à la dignité. Rota est une victime, elle subit des actes criminels : un premier viol par un de ses professeurs, elle a 13 ans, puis un viol collectif organisé par Rija. Elle éprouve pourtant le besoin de plaider sa cause ! C’est le monde à l’envers ! C’est révoltant ! Oui… mais c’est précisément cette perversion de l’ordre moral des choses qui rend ce livre aussi dense que poignant, qui conduit à interroger la société dans laquelle nous vivons, nos modes de pensée, nos dénis. Ce que son corps subit est effroyable, ce que sa personne subit est dégradant et immonde. [...]

Il faut lire ce texte pour mesurer l’incroyable détermination de la jeune adolescente, de la jeune femme à garder la tête haute et surtout à ne pas réclamer vengeance et à refuser l’amertume ou la rancœur. Ce qu’elle dit de son quotidien force l’admiration. Elle sait mettre en valeur ce qui a certainement constitué sa vulnérabilité. Elle sait aussi que rien ne peut, pour autant, expliquer les sévices qu’elle a subis. Rien ne peut justifier l’aveuglement d’un cercle familial, amical, social.
La cause que plaide Rota est la cause de la vérité. Enfiler une toge d’avocat pour défendre sa bonne foi peut paraître incongru. Ce livre prend le temps de montrer qu’il est néanmoins encore nécessaire de demander aux victimes d’être des porte-voix de celles et ceux encore trop souvent muselés, floués, tant l’impunité des bourreaux reste manifeste. Hary Rabary a bien l’intention de les y aider, son personnage est la gardienne à la fois douce et obstinée d’une vérité qu’il n’est plus possible de voiler ou de bafouer, à Madagascar comme ailleurs.

Sonia Le Moigne-Euzenot, Chroniques littéraires africaines
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