L'œuvre poétique de Fouad Gabriel Naffah

Dans le Liban des années cinquante-soixante, la poésie francophone correspond à l'age de maturité de la littérature d'expression française générée par une véritable tradition de la francophonie dans le pays des Cèdre. Cette maturité, qui doit beaucoup au surréalisme, trouve pourtant un de ses représentants les plus authentiques à contre-courant du discours et des pratiques langagières surréalistes de ses contemporains. Fouad Gabriel Naffah (1925-1983) a été un poète total. Il s'est voué à la poésie sans pour autant récolter la reconnaissance attendue. Marginalisé dans le contexte social libanais, il est également un cas particulier dans le milieu littéraire de son époque. Il se saisit pourtant du réel et inscrit le paysage libanais au coeur d'une démarche langagière spéculative qui se fait mode d'habitation poétique. La création d'une langue poétique propre placée sous le signe de l'intellect élève la description au rang d'une création cosmogonique totale. La représentation de l'espace, fortement structuré et riche de multiples paradoxes, est avènement de rapports inédits du sujet au monde régis par un principe d'immanence. De ce fait, l'oeuvre de Naffah crée une approhe originale du lyrisme qu'elle semble à prime abord renier et la création poétique, actualisée ou expliquée par l'auteur, se comprend comme une phénoménologie spontanée. Mais, l'ambition de la poésie de Naffah forge aussi ses propres écueils et est responsable de ses propres limites si bien qu'elle est à la fois lieu de plénitude et cause de naufrages.